L’interview de Beat Bühlmann, PDG de Graphax AG, dans le numéro 2/22, a soulevé des interrogations dans le secteur du graphisme. L’entreprise appartient-elle réellement toujours au monde de l’impression, quand bien même cela a été confirmé par le PDG ? Dans le numéro 4/22, Graphax est à nouveau au centre de l’attention. Premièrement, la couverture de cette édition a été réalisée à Berne sur une machine à toner Konica Minolta de l’école professionnelle SfgB:B. Les différentes ressources Konica Minolta à Berne ne servent pas uniquement à des fins de formation initiale ou continue. Il s’agit également d’une salle d’exposition pour les clients potentiels de Graphax. De plus, l’installation chez Werner Druck & Medien AG a fait sensation. Une machine à jet d’encre B2-UV AccurioJet KM-1e HD, une machine de finition JetVarnish et un système de découpe laser Motioncutter ont été installées : c’est une première en Suisse. Roger Kessler, PDG de Werner Druck & Medien AG, ne parle pas à ses clients « d’impression numérique », mais « d’impression HD ». Quel que soit le nom que l’on donne à cette solution, les clients potentiels de Graphax ne sont pas les seuls à y être attentifs. Cela a suscité l’intérêt de tout le secteur de l’imprimerie. Selon certaines informations, de nombreux imprimeurs surveillent attentivement ce qui se passe à Bâle. Dans ce numéro qui traite notamment de l’impression numérique, il n’est donc pas inutile d’analyser de plus près les faits et gestes de Graphax.
Graphax dans le secteur de l’impression professionnelle et industrielle (PP/IP)
Daniel Nater, chef d’équipe Sales Professional Printing, et Manuel Simmen, chef de produit Professional Printing, ont répondu à nos questions. Cet article traite exclusivement des secteurs des impressions professionnelles et industrielles (PP/IP). L’ensemble du segment Office, qui reste un pilier de l’entreprise, ne sera pas abordé ici. Au sujet de la taille de l’équipe Graphax dédiée, Daniel Nater déclare : « Nous avons 30 collaborateurs pour la Suisse alémanique et la Suisse romande. Parmi eux, il y a presque 20 techniciens de service. Les autres collaborateurs sont des vendeurs et consultants commerciaux ». Lorsque l’on compare les chiffres avec ceux des concurrents, il apparaît clairement que Graphax figure en tête de liste. En particulier, Graphax a considérablement augmenté son équipe dédiée à l’impression professionnelle et industrielle au cours des quatre dernières années, tandis que d’autres entreprises ont réduit leurs effectifs ou, au mieux, les ont maintenus. Cela confirme-t-il l’ambition de l’entreprise à devenir « le numéro 1 en Suisse » dans le domaine de l’impression industrielle ? Daniel Nater précise : « Je n’aime pas trop cette affirmation. Je pense qu’elle conduit à des conclusions erronées en ce qui concerne la stratégie de l’entreprise. Oui, nous voulons prendre de l’ampleur dans le secteur de l’impression professionnelle et l’impression industrielle. Nous l’avons fait avec succès ces dernières années. Mais l’objectif premier n’est pas de gagner des parts de marché. Notre stratégie est plutôt axée sur un pivotement à long terme des marchés dans le segment de l’impression professionnelle et l’impression industrielle. C’est dans ce domaine que nous voulons nous positionner idéalement. Cela n’est possible que si nous sommes en mesure de proposer le meilleur package global et des solutions d’avenir. Les systèmes d’impression ne représentent donc qu’une partie de la stratégie ». Graphax peut aussi se targuer d’une position de leader très concrète. Manuel Simmen : « Dans le secteur Toner-Farbeswiss print+communication 55, segment industriel, ce qui correspond aux machines qui ont un rendement supérieur à 70 feuilles/minute, nous sommes indiscutablement numéro 1 en Suisse ».
Une relation spéciale
En Suisse, Graphax est Konica Minolta, et Konica Minolta est Graphax. Ce conglomérat japonais, dont les secteurs d’activité sont la technique médicale, la bureautique ainsi que l’industrie optique, réalise un chiffre d’affaires de plus de 7 milliards de francs suisses et emploie plus de 40 000 personnes à travers le monde. L’analyse des chiffres financiers officiels révèle que le secteur de l’impression professionnelle et l’impression industrielle génère plus de 22 % du chiffre d’affaires total. Les conglomérats japonais ne sont pas toujours clairement délimités. En revanche, il est certain que « Konica Minolta réalise environ 1,5 milliard de francs suisses de chiffre d’affaires grâce à l’impression professionnelle et industrielle ». Ces chiffres sont comparables à ceux du groupe Bobst et, entre autres, supérieurs à ceux du groupe Koenig & Bauer. Finalement, l’impression professionnelle et industrielle (sans le segment Office !) représente une part importante pour Konica Minolta. Dans ce contexte, la situation en Suisse est intéressante. Contrairement à d’autres marchés, Konica Minolta vend ses produits (presque) exclusivement par le biais de l’entreprise familiale Graphax. À l’origine, Konica Minolta ne vendait que du matériel de bureau. De la même manière que les Japonais ont développé les segments de l’impression professionnelle et l’impression industrielle au cours de cette dernière décennie, Graphax s’est également spécialisée dans ce domaine.
Le portefeuille
Entreprise japonaise typique, Konica Minolta a adopté une stratégie sur le long terme. Il s’agit de miser sur la persévérance et moins sur les grands « Big Bangs ». La technologie d’impression numérique est complexe et le développement de nouvelles technologies requiert des ressources. Si l’on célèbre le premier modèle suisse AccurioJet KM-1e HD, il ne faut pas oublier que le premier prototype de cette machine a déjà été présenté au salon de la Drupa en 2012 ! La conquête de Konica Minolta dans le monde de l’impression industrielle est une success-story. Les premiers systèmes d’impression à toner industriels, les modèles bizhub, ont été présentés publiquement pour la première fois en 2005. Depuis lors, le segment du toner n’a cessé de se développer, en particulier ces trois dernières années. En 2014, les Japonais ont fait l’acquisition du fabricant français innovant MGI, dont les systèmes de finition numérique constituent aujourd’hui un élément clé de leur portefeuille d’offres. D’autres produits tiers ont par ailleurs été intégrés, comme le Motioncutter, un système de découpe laser développé à l’origine par une entreprise médiatique allemande. En Suisse dans les domaines PP/IP, le portefeuille actuel de Graphax pour les systèmes d’impression et de finition se compose comme suit :
- AccurioJet KM-1e /KM-1e HD (format B2, jet d’encre UV)
- AccurioLabel 230 (machine à étiqueter, toner)
- AccurioPress C12000/C14000 (toner, A3+)
- AccurioPress C7090/7100 (toner, A3+)
- AccurioPress C83hc (toner, A3+, espace colorimétrique RGB)
- AccurioPress C4080/4070/4065 (toner, A3+)
- MGI JETVarnish-Serie (finition numérique)
- Motioncutter (découpe laser)
De plus, Graphax propose diverses applications matérielles et logicielles, avec des produits Konica Minolta mais également d’autres fournisseurs. L’entreprise fournit ainsi des solutions complètes pour le contrôle de la qualité et des processus, l’automatisation du flux de travail et l’individualisation des impressions. Daniel Nater : « Nous ne proposons pas nos applications uniquement aux clients qui travaillent avec nos machines. Nous offrons également des produits intéressants pour l’automatisation du flux de travail, qui couvrent les besoins des imprimeurs offset traditionnels ».
Succès
Paradoxalement, les deux années de pandémie ont été très fructueuses pour Graphax. Daniel Nater : « Pour l’AccurioPress C12000/C14000, présentée pour la première fois en Suisse en 2020, nous avons pu placer 40 machines ». Il s’agit de nouvelles installations, mais souvent aussi d’investissements de remplacement, qui ont conduit au remplacement de systèmes d’impression industriels plus anciens par des systèmes concurrents. Daniel Nater : « La série AccurioPress C12000/C14000 nous a permis de connaître un véritable coup de pouce. Auparavant, nous n’avions rien à proposer dans ce segment de marché. » Manuel Simmen ajoute : « Nous avons certainement récolté les fruits de notre travail sur le marché suisse. Mais pour être complètement transparents, nous avons également profité du renouvellement complet et de l’extension de la gamme de systèmes de toner pour l’impression professionnelle et l’impression industrielle de Konica Minolta. En plus de l’AccurioPress C12000/C14000 à haut rendement, l’offre standard a elle-même été fondamentalement remaniée avec les modèles AccurioPress C7090/C7100 et AccurioPress C4080/4070/4065. Tous ces systèmes sont équipés d’une nouvelle génération de toner qui permet de réaliser des impressions plus mates et propulse ainsi l’impression toner encore plus près de l’impression offset en termes de qualité. En même temps, tous ces systèmes sont dotés d’un calibrage des couleurs intégré et entièrement automatisé, qui améliore non seulement la qualité, mais également l’efficacité de la production ».
Grande émotion
Graphax ne se réjouit pas uniquement de sa collaboration avec Konica Minolta. En août 2021, une explosion s’est produite dans une usine de toner au Japon. Suite à cet évènement, le groupe japonais n’a pas pu livrer de toner pendant environ deux mois. Une période chargée pour Daniel Nater : « Dans un premier temps, nous avons pu pallier les conséquences de cette panne, car nous avions un stock important. Mais très vite, ce stock a diminué et nous avons dû nous débrouiller autrement. Nous en avons conclu, malheureusement pour nous et nos clients, que nous ne pourrions pas fournir suffisamment de toner à tous ceux du segment de l’impression professionnelle pendant un certain temps. Nous avons notamment décidé de désigner des centres d’impression de back-up, auxquels nous avons fourni le toner nécessaire. Parallèlement, nous avons veillé à ce que les clients qui n’avaient pas ou plus assez de toner puissent passer leurs commandes dans ces centres de back-up. Bien entendu, nous avons pris en charge les surcoûts associés ». Il ne s’agit que d’un exemple parmi les nombreuses mesures d’urgence prises. Aujourd’hui, la « crise du toner » a été en grande partie surmontée. Manuel Simmen : « La situation est presque revenue à la normale ». Heureusement pour Graphax et Konica Minolta, l’incident qui a provoqué l’arrêt de la production de toner a eu lieu à une période où tous les fournisseurs sans exception étaient touchés par des difficultés d’approvisionnement. Manuel Simmen : « Comme je l’ai déjà dit, tout est rentré dans l’ordre avec les toners. Mais dans de nombreux autres domaines, nous rencontrons bien sûr les mêmes problèmes que tous les autres fournisseurs. Justement, notre situation est fragile en ce qui concerne les composants informatiques ». Daniel Nater : « Dans le segment de l’impression professionnelle et l’impression industrielle, les problèmes restent gérables. Nous avons simplement des délais de livraison un peu plus longs, mais la situation n’est pas dramatique pour autant ».
Tendances
Les faits sont les suivants : En Suisse, Graphax et Konica Minolta sont désormais solidement implantés dans l’impression industrielle. Les quarante installations d’AccurioPress C12000/C14000 en sont la preuve. L’étude de cas de Werner Druck & Medien AG avec l’AccurioJet KM-1e HD et les autres agrégats sont également significatifs. Deux tendances claires se dégagent. Daniel Nater : « De nombreuses imprimeries sont devenues encore moins dépensières suite à la pandémie. Beaucoup de choses qui étaient auparavant considérées comme « Nice to have » sont aujourd’hui clairement remises en question. L’AccurioPress C12000/C14000 nous a bien rendu service. C’est une machine quadrichromique performante, mais qui ne propose pas d’éléments supplémentaires comme une cinquième couleur. Maintenant, lorsque j’ai un entretien avec un prospect qui me demande : pourquoi ne proposez-vous pas de couleurs spéciales ? Je réponds : pour ce service spécifique, renseignez-vous auprès d’un partenaire d’impression dans votre région. La plupart d’entre eux sont très ouverts à cette approche. Ce n’était pas toujours le cas par le passé ». Pour Manuel Simmen, l’installation chez Werner Druck & Medien est une mise en lumière : « Jusqu’à présent, Konica Minolta a toujours poursuivi la stratégie de proposer des couleurs spéciales avec un espace quadrichromique élargi. En revanche, avec MGI, l’accent est clairement mis sur la finition. De manière beaucoup plus poussée que chez la plupart de nos concurrents. Werner Druck & Medien montre dans quelle direction cela pourrait tendre. Cela va bien au-delà de la philosophie classique de rajouter un peu d’encre sur le papier ». Daniel Nater : « Avec notre portefeuille, nous pouvons parfaitement répondre aussi bien aux besoins des entreprises économes qu’à ceux des entreprises innovantes ».
L’avenir
Daniel Nater est optimiste pour l’avenir. Même si d’un côté les tendances sont là : « Ne nous faisons pas d’illusions. Dans les années à venir, encore plus d’imprimeries vont disparaître ou être rachetées et intégrées. Les tirages d’impression vont diminuer. De moins en moins de machines vont être achetées à tous niveaux, y compris pour les systèmes de toner ». Mais pour Graphax, cette évolution a aussi des côtés positifs. Daniel Nater : « Les tirages diminuent certes, mais le nombre de commandes d’impression augmente. L’impression à la demande devient la norme. La part d’impressions personnalisées et individualisées ne cesse d’augmenter. C’est précisément pour répondre à ces besoins du marché que nous sommes idéalement positionnés grâce à notre portefeuille ». Les fournisseurs d’impression numérique se trouvent-ils dans une position de départ naturellement gagnante ? Daniel Nater estime que cette vision est trop simpliste : « La guerre des prix est également féroce entre les fournisseurs de systèmes de toner. Et comme nous le constatons, le jet d’encre industriel est loin de se développer aussi bien que tout le monde l’avait prédit. Au contraire, j’observe même une certaine stagnation. Finalement, la question n’est pas de savoir quelles machines sont utilisées. Qu’il s’agisse d’un système d’impression numérique ou d’une machine offset, cela n’a aucune importance. Ce qui l’est par contre, ce sont les solutions globales qui offriront les bonnes réponses aux changements que j’ai énoncés sur les marchés de l’impression. Les entreprises qui ne proposent que des machines et aucun autre service d’impression numérique seront perdantes sur le long terme. Nous sommes convaincus de pouvoir offrir à tous les clients du segment de l’impression professionnelle et industrielle les services dont ils ont besoin ».